Présidentielle en Côte d'Ivoire: Simone Ehivet prône «le pardon» et «la réconciliation nationale»
En Côte d’Ivoire, l’élection présidentielle se tient samedi 25 octobre. Cinq candidats sont en lice, dont Alassane Ouattara, qui brigue un quatrième mandat. RFI donne la parole à chaque candidat. Ce matin, dernier entretien, avec Simone Ehivet, l’ex-épouse de Laurent Gbagbo, qui a créé son parti en août 2022, le Mouvement des générations capables (MGC). Cette figure de l’opposition met l’accent sur la souveraineté économique et sur la réconciliation nationale. Elle répond aux questions de notre correspondante à Abidjan, Bineta Diagne. RFI : Simone Ehivet, votre principal thème de campagne porte sur la réconciliation nationale. Qu'est-ce que vous voulez faire de plus par rapport à l'administration sortante dans ce domaine ? Simone Ehivet : ce pays a vécu une crise très profonde, une grande déchirure du tissu social, et on peut dire que des choses ont été faites. Moi-même, j'ai bénéficié d'une loi d'amnistie pour sortir de prison, donc des actes ont été posés. Mais le plus grand de ce chantier-là attend encore d'être réalisé. Il faut rendre hommage à ces morts-là pour que l'esprit repose en paix. Il faut organiser le pardon au-delà de ceux qui ont perdu leurs vies, il y a ceux qui ont perdu leurs biens. Il va être nécessaire de traiter la question et de faire les dédommagements. Vous dites que rien n'a été fait. Pourtant, entre temps, il y a eu des dédommagements. Il y a eu la restitution des corps des victimes de la crise à Duekoué, à Toulépleu. On ne peut pas dire que rien n'a été fait ? Moi, je souhaiterais qu'on rende hommage aux morts. Beaucoup de personnes ont perdu leur emploi, ont perdu leur travail, ont perdu leur commerce. Mais du coup, quinze ans plus tard, qu'est-ce que vous comptez faire ? Mais quinze ans plus tard, il faut faire le point de cela. Il faut pouvoir mettre ensemble les populations pour qu'elles acceptent de pardonner, parce que tout le monde n'a pas accepté de pardonner, aujourd'hui encore. Lorsque vous avez tenu le lead au sein de la Côte d'Ivoire, vous avez mené un combat pour que le dialogue politique puisse avoir lieu, pour que la révision de la liste puisse avoir lieu, pour que la Commission électorale indépendante puisse être réformée. Toutes ces conditions sont toujours là. Qu'est-ce qui vous garantit une participation à cette élection de manière transparente ? Mais nous n'avons aucune garantie de rien du tout. Nous avons écrit trois fois au président de la République pour obtenir la convocation du dialogue. Nous sommes persuadés qu’aller à ces élections-là, telles que les choses se présentent, ça va être une participation très difficile à ces élections. Mais je dis, nous avons également convenu, ayant tiré les leçons du passé, qu’il vaut mieux encore aller à ces élections-là dans des conditions difficiles que pas du tout. C'est-à-dire que pour vous aujourd'hui, le boycott n'est pas du tout envisageable ? Non, faire du boycott aujourd'hui, c'est offrir des résultats au premier tour à Monsieur Alassane Ouattara. Mais alors du coup, si les résultats après ne vous conviennent pas, cela veut dire que vous n'aurez pas aussi la latitude de les contester ou de les critiquer. Si les choses se sont passées et que des gens ont pu observer que, la situation étant difficile, les élections ont eu lieu et que mes électeurs ont pu voter, que je n'ai pas gagné, je n'ai pas gagné. Car quand on va à des élections, on peut gagner comme on peut perdre. Alassane lui-même, il est candidat. Mais qu'est-ce qui garantit qu’il va gagner ? En lice dans cette compétition, il y a aussi Ahoua Don Mello. Pourquoi est-ce que c'était si difficile finalement d'obtenir une candidature unique entre tous les candidats, entre guillemets, issus de la gauche ivoirienne ? Il n'y a pas eu au niveau de l'opposition, ni au niveau de la gauche un débat pour une candidature unique. Mais l'objectif qui était poursuivi, c'était d'obtenir une réforme du système électoral lui-même. Et donc, il était question que chacun fasse ses propres analyses et prenne ses propres décisions. Il y a deux femmes candidates à cette élection présidentielle. Vous-même, vous avez été opposante, vous avez été première dame, vous êtes passée par la case prison, vous avez perdu votre parti, vous en avez recréé un autre. Avec du recul, quel regard vous portez sur votre trajectoire ? Moi, je continue le travail que j'ai fait depuis très longtemps, qui est de poser toutes les actions possibles pour obtenir, dans ce pays-là, la réalisation de la vision que j'ai de la Côte d'Ivoire. Ce que je souhaite pour la Côte d'Ivoire, c'est que ce soit une nation prospère, une nation souveraine, une nation forte, une nation où les hommes qui sont aguerris, qui sont capables de prendre des initiatives, de créer pour le changement. Ce travail-là, il n'est pas achevé et c'est la raison pour laquelle je suis encore dans la course. À lire aussiPrésidentielle en Côte d'Ivoire: la vie chère, l'emploi et la sécurité au cœur du scrutin